Mots tus

Une newsletter sur l'écriture et l'intime, à la première personne. Poèmes, humeurs et extraits de "La sensation", un projet d'auto-fiction

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Par Damien TESTU
15 févr. · 2 mn à lire
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"J’ai quand même l’impression que la prochaine fois que je pleurerai, ce sera de joie."

Mots tus, bouche décousue - Newsletter #3


humeurs

Mon père me dit que j’écris bien mais que c’est un peu morose. Promis, bientôt j’irai mieux et ça se verra dans mes mots.

J’ai déjà commencé. Je retrouve un rythme un peu plus normal, certains diront plan-plan peut-être, sauf quand l’inspiration me vient et que je ne vois pas le temps passer. Mes yeux piquent, mes doigts aussi. Merde, il est déjà deux heures et j’écris encore. 

Je n’ai pas encore tout compris mais ça viendra. Il faut faire la liste des derniers accomplissements. Le sport me va bien, ce sont mes amis qui le disent. Je m’entoure de personnes qui m’aiment pour ce que je suis et pas pour ce que je fais. Je panique moins à l’idée qu’on me demande comment ça va : je n’ai plus besoin de mentir, de minimiser, de changer de sujet. Je suis plus léger, le soleil revient. Et puis certaines choses n’ont pas changé, comme des constantes dont je ne saurais me passer. J’ai toujours une dualité en moi. Je me pose des questions, parce que c’est une composante essentielle de ma personnalité, c’est dans ma chair autant que dans ma cervelle. Je ne comprends pas les garçons et ce qu’ils attendent de moi — à moins que ce soit l’inverse et que je projette sur eux ce que j’aimerais qu’ils soient.

Je ne m’endors plus sur un oreiller trempé de larmes ou qui sent les doutes. Parfois j’attrape même le sommeil avec le sourire aux lèvres et je ressemble à un ange quand je ferme les yeux. Avec moi, les larmes ne sont jamais bien loin. J’ai quand même l’impression que la prochaine fois que je pleurerai, ce sera de joie.



la sensation

Ça ne sert à rien de combler le silence avec de la musique, des interviews d’artistes que tu admires, des podcasts qui te servent de thérapie parce que t’as pas de fric. Trop dans ta tête, tu as peur de rater, d’échouer, de tomber. Devant ta page blanche, tu veux crier parce que putain t’en as des choses à dire, peut-être que même toi tu sais pas ce que c’est et si ce sera quelque chose un jour mais peut-être que tu te trompes sur toute la ligne peut-être qu’il y a quelque chose de bien dans tout ce magma de lettres peut-être que y’a ton passé ton présent ton futur. Si tu n’écris pas tu vas étouffer pour de vrai tu ne pourras plus respirer et le plafond deviendra le sol et le sol sera au dessus de toi tu vas voir trouble tu vas voir flou tu n’auras plus de souffle plus de pouls. 

Je commençais à comprendre que pour aller mieux, il faudrait aller profondément : prendre un scalpel, inciser, ouvrir la chair proprement. Ne surtout pas prendre de médicament qui anesthésierait mon psyché, ne pas sombrer dans un déni délétère. Pour comprendre ce qui n’allait pas chez moi, il fallait remonter loin, à l’enfance, au tout début des souvenirs. A la cour de récréation, aux salles de classe de l’école primaire, du collège et du lycée, aux mots jetés à la figure et aux regards qui font aussi mal que des coups. Au gymnase, à la gare routière, sur le parking où les parents venaient nous chercher en voiture. Revivre le rejet, la peur de finir seul, de ne pas avoir d’amis, de famille, d’amour. Faire remonter à la surface les émotions, les couleurs, les odeurs. Retrouver la sensation.