Mots tus

Une newsletter sur l'écriture et l'intime, à la première personne. Poèmes, humeurs et extraits de "La sensation", un projet d'auto-fiction

image_author_Damien_TESTU
Par Damien TESTU
15 mars · 4 mn à lire
Partager cet article :

"Je commence à comprendre ceux qui entourent leur cœur d’une forteresse qui ne laisse rien passer, pas même le soleil."

Mots tus, bouche décousue - Newsletter #4

J’ai cherché le sens dans la littérature

J’en ai fait des erreurs, des ratures 

Le pied à l’étrier 

La peau de l’ours avant de l’avoir tué 

Je l’ai vendue, je l’ai laissée 

Au plus offrant, du moins j’ai essayé 

A feu et à sang avant de te trouver

Les yeux au ciel, levés 

Ne me dis pas que tu es désolé 

Je suis las, je suis dévoré 

Des haies, des allées

À franchir, à traverser 


humeurs

Il n’avait pas plu depuis des semaines mais aujourd’hui, les gouttes cognent contre ma fenêtre. Je les entends au réveil et au coucher, comme un rituel qui donne l’impression d’une journée sans début et sans fin.

Les déceptions sentimentales se suivent et se ressemblent. Les garçons sont tous les mêmes — surtout si je les pense différents quand je les rencontre. Je commence à comprendre ceux qui entourent leur cœur d’une forteresse qui ne laisse rien passer, pas même le soleil. Bien sûr, ça isole, ça questionne, ça bourdonne. Mais pas le temps de céder à la déprime, en ce moment j’ai envie de vivre. Je suis fatigué mais c’est de la bonne fatigue, celle de quelqu’un qui sort du lit et fait des choses. J’ai pris du retard, j’ai décalé l’envoi. Je pensais avoir des choses à dire mais elles ne me plaisaient pas. Elles n’étaient pas assez marquantes, les traces dans le sable s’effaçaient trop vite. La faute au vent et aux vagues qui ne leur ont laissé aucune chance. 

J’ai tout coupé. La nuit est de bon conseil avec moi, j’aime l’écouter. Elle semble savoir ce qui me fait du bien, elle me guide. Les personnes à qui je devrais donner de mon énergie, de mon temps. Les messages auxquels je ferais mieux de ne pas répondre et ceux que je devrais impérativement rédiger même si j’essaye d’y échapper parce que me confronter à la réalité n’a jamais été mon fort.

Parfois, je me pose la question du mystère. Est-ce qu’il donne envie d’en savoir plus ou est-ce que les autres peuvent s’en satisfaire ? Je ne suis pas du genre à intérioriser mais j’ai encore envie de garder certaines histoires pour moi. Elles ne verront peut-être jamais le jour aux yeux de tous, seulement aux miens. Elles seront précieuses, elles seront belles, elles seront secrètes — et c’est très bien comme ça.


Je sais que sortir du lit

Est parfois pénible 

Que le soleil irradie 

Parfois trop fort les esprits 

Te hantent et s’amusent 

Pendant que toi tu recules 

Tu perds pied, ils abusent 

De toi, de tes blessures

Ils rient, ils t’accusent 

De tout, de rien 

Ils fusent

Malgré toi, tu continues 

Tu te bats, tu tombes des nues

Quand je suis là 

Tapote sur ton épaule 

Quand nos deux voix se frôlent 

Le temps d’une chanson 

Tout va bien, tous ces sons 

Disparaissent et te laissent 

Appelle-moi s’il te reste 

Tes épaules à délester

Tes rancœurs à soupirer 

Tes secrets à soutirer 

Et tes yeux pour pleurer


la sensation

Il a écrit “PD” sur la doublure de mon manteau.

C’est un blouson de ski bleu marine. On a connu mieux, mais je suis en cinquième et le virus de la mode ne m’a pas encore piqué, je porte encore des pantalons de jogging, des baskets noires et dorées et des sweat-shirts de couleurs improbables, comme le orange (c’est mon préféré).

Je me dis à ce moment-là que ce n’est pas grave, ça va partir avec un peu de savon et un peu d’eau. Mais ma doublure est en polaire et l’inscription a été réalisée à l’effaceur. Ça ne part pas, ça ne part pas. Comme si j’avais été marqué au fer rouge. Ce n’est pas qu’une insulte jetée en l’air qui disparaîtra dans l’air et dans les oreilles, c’est une cicatrice, j’ai été marqué au fer rouge. C’est comme le “A” de l’adultère, c’est comme s’il fallait que tout le monde le voit quand j’enlève mon manteau. J’essaye de frotter mais ça ne part pas, ça ne part pas. Après la récréation, je reviens en classe, ma doublure est trempée, je sais que je le sentirai quand je remettrai mon blouson pour sortir, je sais que la tâche d’eau ne sèchera pas, c’est l’hiver et il fait froid même dans la salle de classe, je sais que je rentrerai à la maison et que je ne dirai rien à ma mère et je sais aussi que si un jour elle découvre cette inscription, elle ne dira rien non plus, elle l’ignorera et on fera comme si de rien n’était. De toute façon, je n’ai pas envie de cette conversation, je n’ai pas envie que les choses changent. A partir de ce jour, je n’enlèverai plus mon manteau comme avant, maintenant je cacherai la doublure, elle ne sera plus découverte aux yeux du monde, je prendrai soin de bien la plier pour qu’elle ne voie plus la lumière du jour.